Le dépôt d'une marque est piégeux en ce que la procédure en ligne est accessible à tous, et n'impose pas le recours à un avocat. Pour autant, ni le dépôt ni son enregistrement ne préjugent de la validité de la marque, de l'absence d'antériorités et donc de l'absence de risque à l'exploiter.
Jusqu'à présent, le seul dépôt pouvait même caractériser un acte de contrefaçon, indépendamment de toute exploitation de la marque déposée (Com., 26 novembre 2003, n° 01-11.784).
La Cour de Cassation, "éclairée" par la jurisprudence de la CJUE, assouplit aujourd'hui cette position, considérant que le dépôt d'une marque n'équivaut pas à l'utiliser "en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe".
Le seul fait de déposer n'expose donc plus à un risque de condamnation pour contrefaçon.
Néanmoins, attention! Même sans être contrefaisant, le dépôt n'en sera pas moins annulé. Et cela est sans doute un moindre risque face à celui d'exploiter pendant plusieurs années une marque déposée ... et pourtant contrefaisante!
Déposer une marque a un coût, mais ne pas le faire correctement coûte souvent (toujours 😇) plus cher.
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Cass. Civ. Com. 13 octobre 2021, 19-20.504, Publié au bulletin
Extrait :
« 9. La Cour de cassation a précédemment interprété les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, en ce sens que le dépôt à titre de marque d'un signe contrefaisant constitue à lui seul un acte de contrefaçon, indépendamment de son exploitation (Com., 26 novembre 2003, pourvoi n° 01-11.784 ; Com., 10 juillet 2007, pourvoi n° 05-18.571, Bull. 2007, IV, n° 189 ; Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-11.752 ; Com., 24 mai 2016, pourvoi n° 14-17.533).
10. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
11. Cette Cour juge en effet que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, arrêt du 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, points 26 et 27 et jurisprudence citée).
12. Or, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire.
13. Dès lors, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.
14. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. »